A “Maroc en Musiques” l’antologia di 11 documentari sulla musica tradizionale del Marocco della regista Izza Génini prodotta dalla Ohra in collaborazione con Voxteca è stato assegnato recentemente il prestigioso premio “Coup de coeur musiques du monde”, dall’Accademia “Charles Cros” al Festival Babel Med Music di Marsiglia.
Izza Genini, une vie consacrée aux musiques du Maroc
Afrik : Comment vous est venue l’idée de réaliser cette série de films sur les musiques du Maroc ?
Izza Genini : En 1973, je suis retournée au Maroc avec mon mari, pour la première fois depuis mon arrivée en France. C’était pour une semaine de vacances, je n’étais pas du tout dans la nostalgie du retour. Nous sommes allés dans la région de Marrakech, d’où ma famille est originaire. Et là, ça a été le coup de foudre, le choc. A partir de là, j’ai eu le désir de connaître cette culture, de connaître mes parents à travers cette culture.
Afrik : Pouvez-vous nous décrire ce choc que vous ressentez ?
Izza Genini : Ça s’est passé dès l’avion : je sors de l’avion, et là, la lumière, l’air, quelque chose se passe… (silence, ndlr). Ça a coïncidé avec la série télévisée “Racines” (sur les Noirs Américains qui recherchent leurs racines africaines, ndlr), c’était déjà dans l’air. J’ai d’abord ressenti une curiosité formidable. Et en même temps un sentiment très fort d’appartenir à ce monde, à ce pays, à cette culture. Tout de suite, je me suis mise à parler l’arabe, à m’habiller avec des sérouels, des foulards… En même temps, j’avais le sentiment de ne pas connaître du tout cette culture : je ne connaissais pas l’histoire de mes parents, car eux ne parlaient pas, et en voyant la population du Maroc, j’ai fait ce lien.
Afrik : Comment êtes-vous venue au cinéma ?
Izza Genini : Je suis venue en France à 20 ans, et je devais travailler pour payer mes études. J’ai été engagée ici (elle me montre le mur derrière son bureau, ndlr), il y avait une salle de projection, le Club 70. Et depuis, je suis restée dans le cinéma ! J’ai produit ou distribué plusieurs films marocains et africains, notamment “Les Mille et Une mains”, de Souheil Ben Barka, et “Alyam, Alyam” de Ahmed El Maanouni (elle me montre les affiches de ces films, derrière son bureau, ndlr). En 1981, j’avais produit le film sur Nass El Ghiwane, “Al Hal” (“Transes”), qui a eu un grand succès international, et a donné une grande exposition à ce groupe. J’avais acquis cette salle de projection, et je l’ai perdue en 1986. Depuis “Transes”, je voulais faire un film sur Faten Bent El Hocine (chanteuse que l’on trouve dans le coffret de DVD, ndlr). Donc je suis partie faire un documentaire sur elle. Et c’est comme ça que ça a démarré !
Afrik : Quand vous retournez au Maroc, vous découvrez tout un patrimoine musical vivant, et cela vous frappe ?
Izza Genini : Oui, j’ai été frappée de ce que, partout où j’allais, on chantait, on dansait, on disait des contes – mon père est un merveilleux conteur. Dans une société où la télé n’est pas aussi omniprésente qu’en Europe, il y a encore l’expression musicale dans toute sa diversité. Je voulais rendre compte de cette richesse, et il y avait peu de documents filmés. Ce que je voulais, c’est témoigner.
Vos films furent-ils diffusés sur les télévisions ?
Izza Genini : Oui : à l’époque en France, il y avait des ouvertures dans les chaînes de télévision. Une chaîne s’engageait, et ça déclenchait des aides du CNC (Centre national cinématographique), du Ministère des Affaires Etrangères, ça amenait des partenariats étrangers. C’est comme ça que j’ai pu produire ces films. Mais aujourd’hui ça s’est fermé : les chaînes sont soumises à l’audimat, elles sont très formatées.
Afrik : Ces traditions musicales que vous filmez depuis 30 ans, les voyez-vous péricliter ?
Izza Genini : Non, au contraire : il y a au Maroc une multitude de festivals nationaux. Par exemple, pour le film sur la Nouba, j’ai filmé dans le cadre d’un festival local, qui avait un public local, friand de cette musique arabo-andalouse classique. Il y a au Maroc un public de plus en plus fervent pour toutes ces musiques. Même les bébés, on les amène au concert ! Et puis les nouveaux moyens de communication – DVD, CDs internet – permettent une diffusion encore plus large. Aujourd’hui chaque grande ville au Maroc a son festival de musique andalouse, certains sont internationaux et font venir des artistes du Maghreb et du Moyen-Orient. Ce que je déplore aujourd’hui, c’est au niveau de la diffusion des films. Tous mes films sont passés sur 2M (chaîne marocaine, ndlr). Mais il n’existe pas de structures, au Maroc, comme un réseau de bibliothèques par exemple, qui permette la diffusion de ces films auprès des gens.
Afrik : Finalement, au fil des ans, vous vous êtes improvisée ethnomusicologue…
Izza Genini : Je suis totalement autodidacte ! Je ne sais même pas jouer d’un instrument ! Mais j’ai eu des intuitions. Dont celle-ci : il faut aller le plus près possible des musiciens dans leur contexte. C’est tellement plus facile de les filmer dans un festival ! Au début de cette entreprise, j’ai cru que je travaillais pour moi. Puis j’ai réalisé que personne n’avait fait ce travail en Algérie ou en Tunisie par exemple. Si bien qu’aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir travaillé pour le Maroc…